En dépit du choc de taux d’intérêt opéré depuis plus d’un an, l’inflation mondiale reste à des niveaux très supérieurs aux objectifs des Banques Centrales. La décélération est réelle mais se heurte à des effets de second tour plus difficiles à contrer.
Emmanuel Auboyneau, Gérant associé
Depuis début 2022 les Banques Centrales ont entamé une politique monétaire très restrictive dans l’espoir de tuer dans l’œuf une inflation galopante née en grande partie de l’envolée des matières premières. Ce choc de taux devait freiner la croissance et permettre à l’inflation de rentrer dans le rang. A ce jour le pari n’est qu’à moitié réussi. L’inflation a reculé partout, aidée par un reflux du prix des matières premières. Mais une inflation de second tour, avec une boucle prix salaires, menace de s’implanter. Elle serait beaucoup plus difficile à juguler.
Cette inflation plus structurelle est en partie due à l’effet d’opportunités de beaucoup d’entreprises, aux Etats-Unis et en Europe, qui n’ont pas hésité à augmenter fortement leurs prix pour restaurer puis accroitre leurs marges. Elles se sont engouffrées dans une fenêtre de tir qui leur permettait de corriger des années de vaches maigres. C’est particulièrement vrai dans le domaine alimentaire où on a vu des accords entre producteurs et distributeurs sur le dos du consommateur. Le problème d’une telle politique est qu’elle va inciter davantage les ménages modestes à réclamer des hausses de salaires. Ils le peuvent d’autant plus que l’on est toujours en situation de plein emploi ou presque. Les rémunérations devraient donc poursuivre leur ascension et faire peser la menace de cette boucle prix salaires. C’est un facteur d’attention particulière pour les grands argentiers.
L’autre élément préoccupant, plus spécifiquement aux Etats-Unis, est celui de la pénurie de logements qui rend très difficile le reflux des loyers. Ces derniers représentent 30% environ de l’indice inflationniste tel qu’il est calculé. Ce problème ne se résoudra pas à court terme, tant que ce déficit structurel de logements ne sera pas vigoureusement traité.
L’inflation mondiale fait donc de la résistance et rend l’exercice pour les Banques Centrales très difficile. Pourtant, nous pensons toujours que le processus de hausse des taux touche bientôt à sa fin. Nous attendons encore une ou deux remontées aux Etats-Unis, pareil en Europe. S’en suivra sans doute une période de plusieurs mois de stabilité. Les relèvements massifs en 2022, début 2023 n’ont pas encore eu suffisamment de temps pour peser et devraient progressivement voir leur impact grandir dans les mois qui viennent. Et puis, remonter les taux plus que nécessaire ferait peser d’autres risques, sur la dette ou les banques, qui doivent être écartés.
Si l’inflation se maintient à des niveaux trop élevés c’est aussi du fait de la résilience de la croissance mondiale. Nous observons un ralentissement modéré aux Etats-Unis et en Europe, alors que la Chine post covid accélère. Mais les piliers de la croissance demeurent solides avec une consommation fragile mais qui tient malgré les hausses de prix et un marché de l’emploi toujours très vigoureux. Cette croissance est en soi une bonne nouvelle mais ne facilite pas le travail des Banques Centrales.
Face à ces incertitudes nous maintenons notre biais de gestion en faveur des valeurs de croissance qui devraient surperformer dans un tel environnement. Nous restons prudents dans nos investissements en actions sur nos mandats modérés et équilibrés et neutres sur les mandats dynamiques.
Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé
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