En décidant unilatéralement d’envahir l’Ukraine Vladimir Poutine a déclenché le plus grand conflit en Europe depuis la seconde guerre mondiale. La résistance ukrainienne, la réaction forte et coordonnée des puissances occidentales et celle, beaucoup plus ambigüe, de la Chine rendent l’issue du conflit incertaine et auront des conséquences sur notre monde futur.
La première interrogation est militaire. Le président russe se contentera-t-il de l’Ukraine ou entrera-t-il dans une logique jusqu’au-boutiste qui pourrait le faire lorgner sur d’autres Etats comme la Pologne ? Peut-il aller jusqu’à l’utilisation de son arsenal nucléaire ? On ne peut jamais rien exclure mais on peut raisonnablement penser que la dissuasion réciproque l’en empêchera. Mais le fait même de poser la question montre bien que le retour à la normale sera long et compliqué.
La seconde interrogation est économique. Les multiples sanctions décidées affecteront tout d’abord la Russie qui va subir un choc économique majeur. Mais elles pèseront également dans une moindre mesure sur le reste du monde, par le biais de l’augmentation du pétrole, du gaz et d’autres matières premières (alimentaires notamment).
A ce jour deux scénarios possibles s’affrontent. Le scénario tout d’abord d’une guerre courte, suivie de négociations avec un retour à la normale progressif. Les tensions et les rancœurs ne s’atténueront pas de sitôt mais un certain pragmatisme, au moins économique, prévaudra. Ce scénario pèserait finalement assez peu sur l’économie mondiale. Le prix des matières premières devrait retomber rapidement et notre scénario 2022 serait peu modifié. Le second scénario, celui d’une escalade à la fois militaire et économique, est beaucoup plus défavorable et pourrait conduire à une situation de stagflation très pénalisante pour nos économies.
Nous croyons toujours au premier scénario mais, tout comme nous avons été surpris par la décision russe de passer à l’acte, nous ne pouvons exclure le second…
Rappelons que cette crise intervient dans le contexte d’une économie mondiale qui sort progressivement de la pandémie du coronavirus et qui dispose de moteurs de croissance puissants : consommation alimentée par une épargne abondante, investissement pour faire face à une offre insuffisante face à la demande, et commerce. Le PIB russe (proche de celui de l’Espagne) à lui seul pèse peu sur l’économie mondiale. Le risque le plus tangible et le plus immédiat est, on l’a dit, celui d’un embrasement des prix du gaz et du pétrole, ainsi que du blé ukrainien. Dans un contexte inflationniste déjà tendu à court terme cette hausse des matières premières va plonger les Banques Centrales dans un cruel dilemme. Doivent-elles accélérer leur mouvement de normalisation monétaire, au risque de peser sur la croissance, ou doivent-elles au contraire patienter jusqu’à la résolution de cette crise ? Nous pensons que la Reserve Fédérale américaine va suivre son programme initial de remontée progressive des taux avec une première hausse de 25 points de base en mars. La Banque Centrale Européenne devrait rester beaucoup plus prudente à court terme. Les conséquences de cette crise sur les marchés sont fortes et douloureuses. En dépit de publications souvent très positives, les actions sont victimes de vastes prises de bénéfices. Nos portefeuilles sont affectés en ce début d’année, subissant des baisses proches ou supérieures à 10% pour les comptes dynamiques ou les PEA. L’analyse des grandes crises depuis plus de 50 ans (guerres du Golfe, attentats, …) montre que dans une très grande majorité des cas les marchés retrouvent six mois après des niveaux supérieurs aux niveaux initiaux. Cette expérience nous incite à conserver nos positions investies sur des actifs de qualité. Des mouvements ponctuels de couverture peuvent toutefois être opérés sur nos fonds flexibles en fonction des évènements à court terme.
Dans la tempête, gardons le cap et nos convictions.
Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé, Amplegest
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