Le mois de septembre 2022 a vu les marchés financiers poursuivre leur dépréciation, tant sur les actions que sur les obligations. Des craintes quant à la croissance économique, conjuguées une anticipation de l’inflation, favorisent l’émergence d’un pessimisme généralisé, constitutif néanmoins d’opportunités – dans les mois à venir – et sur des actifs de qualité.
Face à une économie qui reste pour le moment résistante et une inflation qui ne baisse pas suffisamment, les Banques Centrales ont poursuivi leur travail de remontée des taux d’intérêt, à marche forcée. La Réserve Fédérale américaine et la Banque Centrale européenne ont martelé cet objectif de réduire l’inflation rapidement, au risque assumé de provoquer une importante décélération de l’activité. On peut dire que la vie d’une Banque Centrale est faite de priorités : en ce moment, seule l’inflation semble compter à l’agenda. La croissance finira par revenir au centre des préoccupations courant 2023. Lorsque l’inflation sera revenue à des niveaux acceptables, les Banques Centrales abaisseront à nouveau les taux si besoin est, afin de relancer l’économie. Mais en attendant, ces discours vigoureux ont fini de convaincre les investisseurs que les taux d’intérêt monteront plus que les estimations, et que les perspectives d’activité doivent être fortement revues à la baisse.
En conséquence, un vaste mouvement de baisse des marchés obligataires et actions s’est opéré, que l’on n’avait pas connu depuis la crise de 2008. A ce jour, le prix moyen des marchés actions est très en dessous de la moyenne historique. Le discours des entreprises ne justifie pas à nos yeux une telle évolution, davantage liée à des préoccupations macro-économiques.
Les valeurs de croissance (technologie, luxe, …), réputées les plus solides car moins sensibles aux révisons à la baisse des résultats, ont été particulièrement affectées du fait de leur valorisation et de leur corrélation aux taux d’intérêt. Elles perdent ainsi souvent plus de 30% sur l’année, alors même que les perspectives bénéficiaires n’ont été révisées qu’à la marge.
Cet épisode baissier à la fois sur les actions et les obligations ne s’était pas vu depuis plus de 50 ans. En 2008, crise majeure s’il en fut, les obligations d’Etats avaient légèrement progressé, protégeant la partie défensive des portefeuilles. Ce n’est pas le cas cette année, de sorte que toutes les gestions sont impactées, les gains de 2021 étant d’ores et déjà effacés. Même l’or, valeur refuge de référence, a nettement reculé.
Ce constat amer étant posé, que doit-on faire aujourd’hui dans nos stratégies de gestion ? On peut partir du principe que les marchés intègrent désormais beaucoup de mauvaises nouvelles après cette correction : des hausses de taux supplémentaires, une croissance mondiale très affectée, des bénéfices de sociétés en repli pour 2023 (de l’ordre de 10% en Europe). Un tel environnement justifie la pression continue dont souffrent les actifs financiers. Face à ce pessimisme généralisé, quels sont les éléments qui pourraient provoquer un changement d’humeur des investisseurs ? Tout d’abord une décélération significative de l’inflation représenterait un signal majeur. C’est une hypothèse que l’on peut raisonnablement espérer au vu de la baisse généralisée des matières premières depuis quelques semaines et de l’amélioration des chaînes d’approvisionnement. L’inflation salariale aux Etats-Unis sera en revanche plus difficile à juguler du fait de la vigueur du marché de l’emploi. C’est cependant moins le cas en Europe. Cette baisse anticipée de l’inflation sera à coup sûr un grand soulagement pour les marchés financiers, qui sont focalisés sur les taux d’intérêt. D’autres facteurs exogènes pourraient aussi casser cette spirale négative : fin du conflit en Ukraine, intervention des Banques Centrales, ou tout autre événement analogue.
Sur le front de la croissance, nous anticipons une décélération de l’activité, mais pas d’effondrement. Aux Etats-Unis l’activité est résiliente et profitera de stocks très bas qui devront se reconstituer. Un ralentissement économique est en cours mais il ne devrait pas entraîner de récession lourde. En Europe la situation est plus contrastée avec notamment l’Allemagne, dont le secteur automobile est en grande souffrance. La crise du gaz est un autre élément d’incertitude pour l’hiver à venir. Une récession est donc probable, mais elle devrait être contenue. Le rebond progressif du marché automobile consécutif à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement profitera à l’industrie européenne, et surtout allemande, comme évoqué plus tôt. Reste la Chine dont l’activité dépend en grande partie de la politique sanitaire du pays. Les autorités chinoises font tout leur possible pour assurer un minimum de croissance d’ici le comité central du parti communiste, dans quelques semaines. A l’échelle mondiale, et pour résumer la grande tendance, la croissance ralentit mais de manière modérée.
Nous sommes aujourd’hui légèrement sous-investis en actions dans les portefeuilles. Nous profitons des baisses actuelles pour réinvestir progressivement dans nos gestions dynamiques : essentiellement sur les thématiques du digital, du luxe et de la santé, qui ont trop corrigé. Pour les gestions plus prudentes, nous retrouvons des rendements intéressants sur certains actifs obligataires courts. Nous conservons nos positions actions.
Bien sûr, une telle crise surprend toujours par son ampleur, et nous ne savons pas quand l’éclaircie apparaitra. Mais notre expérience de plusieurs décennies nous incite à garder les positions et à profiter des excès actuels pour les renforcer. Le pessimisme ambiant est tel que la moindre bonne nouvelle pourrait faire rebondir les marchés. Et ce rebond sera à la hauteur de la baisse que nous subissons.
Par Emmanuel Auboyneau, Gérant associé
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