En avril dernier, la plate-forme Alpheys prenait son indépendance vis-à-vis du groupe Crystal. Rencontre avec ses dirigeants, Philippe-Michel Labrosse et Sisouphan Tran, respectivement président et directeur général
Investissement Conseils: Plusieurs mois après l’annonce de votre séparation du groupe Crystal, l’opération vient de se finaliser. Pourquoi une telle décision ?
Philippe-Michel Labrosse : Cette scission des activités a été décidée suite à des divergences de points de vue entre associés de Crystal, après quatre années où nous avons multiplié les opérations pour faire grandir le groupe. Citons à titre d’exemple, l’entrée au capital d’Ofi Advisers, puis d’Apicil Prévoyance ou encore les rachats de CD Partenaires auprès de La Française et de Finavéo & associés. Nous sommes heureux que la situation d’Alpheys soit désormais clarifiée. Cette opération est accueillie très favorablement par l’ensemble de nos partenaires, CGP et fournisseurs, elle apporte également beaucoup d’énergie positive au sein des équipes d’Alpheys que nous avons renforcées significativement ces derniers mois.
Sisouphan Tran: Au cours de notre parcours au sein du groupe Crystal, deux enseignements essentiels ont conforté notre volonté de nous séparer du groupe Crystal. Le premier est qu’il était difficile d’opérer en tant que plate-forme indépendante, en ayant pour clients des CGP, alors qu’un tiers du capital était détenu par un CGP… Dès lors, il nous est apparu indispensable de devenir un pure player BtoB et indépendant. Seconde observation, les synergies entre BtoB et BtoC sont complexes à mettre en oeuvre et le plus souvent décevantes. Les métiers sont très différents, avec d’un côté le conseil en gestion de patrimoine, fondé fortement sur la relation humaine conseiller-client, et de l’autre une activité BtoB, dont le socle est la technologie, l’infrastructure et l’industrialisation des process.
"Pouvoir compter sur des actionnaires institutionnels {...} est véritable avantage pour Alpheys". - Sisouphan Tran
Comment est détenu le capital aujourd’hui ?
P.-M. L. Désormais, notre capital est détenu à hauteur de 40 % par Apicil Prévoyance et 40 % par Ofi Advisers.Sisouphan et moi en détenons le solde. Cette égalité des parts de nos deux partenaires est pour nous un élément important qui se traduit dans un pacte d’actionnaires garantissant une complète autonomie de gestion et consacrant le caractère totalement ouvert de notre architecture en l’absence de toute clause préférentielle à l’égard d’un fournisseur.
S. T. Pouvoir compter sur des actionnaires institutionnels, investisseurs de long terme qui nous donnent les moyens et le temps de développer des outils industriels très élaborés et coûteux, est un véritable avantage pour Alpheys. C’est un gage de robustesse et de stabilité pour nos partenaires CGP dont le métier et la relation au client final s’inscrivent dans un temps long.
Que représente aujourd’hui en termes chiffrés ?
S. T. Ce sont mille cabinets de conseil en gestion de patrimoine qui font appel à nos services de manière active. Nous administrons un total de 5 milliards d’euros d’encours, toutes classes d’actifs confondues. L’an passé, dans un contexte sanitaire et économique très perturbé, nous avons collecté 930 millions d’euros, en léger recul par rapport à l’année précédente où notre collecte avait atteint 970 millions d’euros.
P.-M. L. Ce repli a surtout concerné l’assurance-vie, comme pour l’ensemble du marché, avec une réallocation vers la partie compte-titres. Cette collecte repose à plus de 50 % sur la partie bancaire, 25 % sur les SCPI, 20 % sur l’assurance-vie, le solde concernant des produits de diversification.
Quels sont vos projets de développement
P.-M. L. Notre offre repose sur notre capacité à proposer une offre très large et de façon digitalisée, le tout de manière totalement indépendante de tout fournisseur, un modèle aujourd’hui peu développé en France. Notre développement repose ainsi sur notre capacité à apporter du service à nos partenaires et à sécuriser leur activité. Ainsi, un budget de plusieurs millions d’euros est d’ores et déjà défini sur les deux prochaines années afin de poursuivre le développement de nos systèmes d’information. Notre objectif est de disposer d’une offre totalement digitalisée en renforçant l’existant. Prochainement, nous serons en mesure de proposer la souscription entièrement digitalisée de SCPI pour les personnes morales, en architecture totalement ouverte.
S. T. Notre offre va également évoluer, notamment en assurance-vie avec la création des contrats de nouvelle génération, tenant compte des contraintes économiques et réglementaires actuelles, qui sont très différentes de l’époque où les contrats historiques de la plate-forme ont été créés. L’objectif est de reconstruire une offre basée sur des objectifs patrimoniaux, correspondant aux besoins de nos partenaires professionnels du patrimoine et offrant naturellement le plus grand confort d’utilisation. Nous redéployons également une offre d’immobilier physique, qui est même un de nos principaux objectifs pour 2021. En effet, ce savoir-faire était très développé chez CD Partenaires et nous disposons toujours de ces compétences. Il s’agira d’une sélection de biens, avec le plus souvent des programmes en exclusivité. Nous portons notamment une attention particulière à l’offre en démembrement de propriété, répondant à une forte demande patrimoniale. Parallèlement à l’immobilier direct, nous avons également relancé notre activité d’intermédiation de financement. Ici aussi, il s’agit de construire une offre, alors que nos partenaires rencontrent des difficultés à financer leurs opérations depuis la disparition du Crédit foncier.
P.-M. L. Sur la partie SCPI, en complément de l’outil de souscription dématérialisé So SCPI, nous avions fait un grand virage l’an passé avec le lancement de Simul’SCPI, un outil qui permet de réaliser une allocation d’actifs dans la pierre-papier. En effet, il s’agit d’accompagner nos partenaires dans la diversification indispensable aujourd’hui sur différentes thématiques et segments immobiliers, alors même qu’auparavant la majeure partie des portefeuilles était composée d’immobilier de bureaux (actuellement environ 65 %). Aujourd’hui, les conseillers en gestion de patrimoine reviennent vers des allocations moins concentrées, avec une diversification sur des SCPI spécialisées, notamment sur l’immobilier de santé. Plus que jamais, une plateforme comme Alpheys est légitime sur le marché des CGP. Nous apportons à nos partenaires des solutions produits et une facilité dans l’exécution de leurs missions, tout en sécurisant la pérennité des solutions qu’ils conseillent à leurs clients grâce à notre capacité de discussion avec les principaux fournisseurs. Certains conseillers ont aussi parfois un accès difficile à certains produits ; notre mission est de leur faciliter cet accès.
"Plus que jamais une plate-forme comme Alpheys est légitime sur le marché des CGP. Nous apportons à nos partenaires des solutions produits et une facilité dans l'exécution de leurs missions."
Un mot sur votre offre bancaire qui vous différencie sur le marché ?
S. T. Nous sommes reconnus dans le marché pour notre expertise métier et notre avance technologique sur le compte titre et le PEA. Nous conservons la possibilité offerte à nos partenaires de choisir entre deux teneurs de compte, alors que certains acteurs ont souhaité sortir du marché, à l’image de ProCapital il y a quelque temps et de Natixis EuroTitres aujourd’hui. Cela permet d’ offrir de la pérennité et le choix entre des opérateurs qui n’ont pas nécessairement les mêmes politiques d’acceptation ni les mêmes fonctionnalités.
P.-M. L. Dans ce domaine, nous allons prochainement pro- poser une offre de gestion sous mandat dans le cadre du compte-titres et du PEA, avec une sélection de trois à quatre asset managers.
Quels sont vos objectifs à moyen terme ?
P.-M. L. D’ici trois à cinq ans, nous ambitionnons une croissance de 50 % de notre volume d’opérations, sans nécessairement avoir recours à des opérations de croissance externe, mais en poursuivant nos investissements massifs et de long terme dans les nouvelles technologies pour permettre aux CGP de saisir les opportunités de développement, tout en maîtrisant leurs coûts et les risques opérationnels.