Rare compagnie d’assurance à actionnariat familial, la société d’origine alsacienne est spécialisée en assurance individuelle de personnes. Depuis cinq ans, elle s’oriente progressivement vers les professionnels du conseil en gestion de patrimoine et a notamment pris une participation majoritaire dans le groupe Magnacarta. Elle compte s’appuyer sur son offre luxembourgeoise pour séduire à l’avenir les CGP et s’apprête à lancer un portail qui leur sera dédié. Explications avec Olivier Sanson, directeur général d’Afi-Esca.
Investissement Conseils : Quelle est la physionomie d’Afi-Esca aujourd’hui ?Olivier Sanson : Notre compagnie d’assurances appartient au groupe financier à actionnariat familial Burrus. Géographiquement, elle dispose d’un établissement à Strasbourg et d’un autre à Lille qui sont historiquement les lieux des deux sièges sociaux d’Esca Prévoyance et d’Afi Europe, les deux sociétés ayant fusionné il y a dix ans maintenant. Afi-Esca est présente exclusivement sur le segment des assurances de personnes et plus particulièrement dans les domaines de l’assurance-vie épargne, de l’assurance-emprunteur, mais aussi de la prévoyance individuelle patrimoniale avec une bonne expertise des formules hommes-clé et contrats croisés associés. Nous sommes aussi très actifs en matière d’assurances-obsèques. Aujourd’hui, Afi-Esca compte environ 250 collaborateurs en France. A fin 2019, le total des actifs sous gestion s’élevait à 1,63 milliard d’euros, dont 364 millions en unités de compte, pour un total de chiffre d’affaires de 267,5 millions. Pour donner une cartographie complète, nous travaillons en étroite synergie avec les sociétés du groupe Burrus, dont Afi-Esca Luxembourg et Dôm Finance, et disposons de succursales en Belgique et en Italie.
Comment distribuez-vous vos solutions et notamment vos offres patrimoniales ?O. S. Hormis pour l’assurance-obsèques que nous distribuons via quelques intermédiaires spécialisés, nous travaillons avec environ 500 courtiers et conseillers en gestion de patrimoine (CGP) actifs. Beaucoup d’entre eux réalisent encore de faibles volumes. Cela s’explique par notre histoire. En effet, nous avons été, pendant très longtemps, surtout présents sur des produits à primes périodiques. Les CGP restent pour le moment une minorité, compte tenu de notre intervention récente sur ce canal de distribution qui date de 2015-2016. A cette date, nous avons fermé notre réseau de salariés et avons concomitamment mis en place une distribution s’appuyant sur les indépendants avec un développement progressif sur les CGP. En 2018, nous avons décidé de nous ancrer encore davantage sur ces professionnels du patrimoine en leur apportant l’offre globale présente dans le groupe Burrus. Désormais, pour la partie épargne – assurance-vie et contrat de capitalisation –, les courtiers et CGP sont animés par la structure Afi-Esca Patrimoine. Cette société de courtage-grossiste porte le réseau commercial. Elle est détenue directement par le groupe familial Burrus et n’a pas de liens capitalistiques avec Afi-Esca. Côté prévoyance, Afi-Esca se développe à partir d’un réseau physique d’inspecteurs pour promouvoir les offres sur l’ensemble du territoire.
Comment comptez-vous séduire les CGP dans les années qui viennent ?O. S. Nous allons déjà commencer par mieux nous faire connaître et communiquer sur notre offre groupe en épargne qui comprend, en France, les contrats Active Sélection Vie et Active Sélection Capi. Ensuite, nous mettrons en avant les contrats de notre compagnie luxembourgeoise Afi-Esca Luxembourg. Ils seront inclus dans l’offre patrimoniale et comporteront de nouvelles solutions de gestion financière. Parmi celles-ci on trouvera celles proposées par Dôm Finance, notamment la gestion pilotée qui a été créée en 2018 et qui affiche d’ores et déjà d’excellentes performances. Nous fondons de grands espoirs sur cette gestion pilotée, en architecture ouverte, qui s’appuie à la fois sur une approche quantitative traditionnelle, mais également sur la finance comportementale via un process très novateur. Elle devrait, nous le pensons, séduire les CGP et leurs clients. Dôm Finance continue, par ailleurs, d’enrichir son offre d’OPCVM et d’apporter son savoir-faire de manière ciblée et originale, notamment dans l’optique d’accompagner les CGP et leurs clients dans des opérations de conseil de haut de bilan (M&A). Concernant le Luxembourg, nous venons de lancer un fonds euro infra-luxembourgeois, c’est-à-dire non pas un fonds en euro français réassuré, mais un véritable fonds en euros obéissant à la réglementation du Grand-Duché. Là aussi, nous avons quelques ambitions parce que nous pensons qu’il s’agit d’une solution patrimoniale qui répond à des besoins spécifiques d’investisseurs ayant besoin d’avoir un peu de souplesse dans leurs choix d’actifs. Aujourd’hui, le Luxembourg permet une gestion plus souple. Par exemple, la réglementation n’y impose pas de participation aux bénéfices minimum, ce qui nous donne plus de liberté en termes de gestion financière. L’objectif est de rassembler ces trois structures du groupe pour donner une réponse unique au CGP. Un portail sera bientôt mis à leur disposition pour accéder à toutes les solutions épargne et prévoyance, ainsi qu’aux offres et services du groupement Magnacarta et les outils métiers de 1215, ex-Serenalis qui lui appartient. Pour mémoire, Afi-Esca est l’actionnaire majoritaire de Magnacarta depuis fin 2017. Indirectement, cette mise en avant de Magnacarta nous permettra d’accéder à un certain nombre de CGP. J’ajoute que les professionnels de Magnacarta nous ont beaucoup aidés et conseillés dans la conception de nos propres offres.
Envisagez-vous d’élargir votre gamme sur les actifs immobiliers ou sur d’autres domaines ?O. S. Il est vrai qu’aujourd’hui nous ne disposons pas d’offres immobilières. C’est un choix délibéré. Nous avons investi sur quelques opérations ne pouvant pas donner lieu à de la commercialisation externe. Mais demain, cette classe d’actifs peut nous intéresser au travers d’investissements dans des programmes que nous pourrions emmener vers la commercialisation aux clients finaux. Le groupe Burrus regroupe pas mal de métiers différents et pourrait, demain, nous apporter cette expertise intéressante. Pour l’heure, ce n’est pas notre priorité. En revanche, rappelons que le groupe détient deux sociétés de courtage IARD, les cabinets Diot et LSN Assurances. On peut imaginer proposer des garanties dommages aux CGP à travers notre approche groupe. Même si ce n’est pas le coeur de leur métier, nous sommes en capacité d’apporter cette réponse originale par rapport à ce que proposent les fournisseurs traditionnels, ce que nous faisons déjà aujourd’hui en cas de demandes particulières. Il reste le marché de l’épargne-retraite, pour lequel nous avons programmé la sortie d’un plan d’épargne-retraite individuel en 2021.
Quelle est votre politique vis-à-vis du fonds en euros ?O. S. Nous avons choisi une politique très prudente en matière de valorisation. Nous avons été parmi les premiers à baisser très sensiblement les rendements du fonds euro, quitte à constituer des réserves compte tenu des risques financiers. Nous pensons depuis longtemps que le fonds euro n’est plus un produit adapté pour capter de la collecte à long terme en assurance-vie dans un contexte de taux extrêmement bas. Par conséquent, nous l’avons transformé en produit défensif. En 2019, nos taux de rendements s’étalaient entre 0,95 et 1,70 % en fonction de la part d’investissement sur des supports en unité de compte. Le message est clair, ce n’est pas la peine de venir chez nous pour obtenir un bon taux sur le fonds en euros, en tout cas tant que les marchés sont à leur niveau actuel. Dans le même temps, nous demandons un minimum de 50 % d’unités de compte sur les affaires nouvelles. Pour les clients qui souhaitent de la sécurité à tout moment, nous préférons nous orienter sur notre fonds en euro luxembourgeois. Nous serons en capacité de monter pour eux des solutions sur mesure. D’une manière générale, le fonds en euro luxembourgeois constituera un axe de développement fort l’an prochain.
Comment avez-vous traversé cette année très particulière ?O. S. Il est certain que notre développement commercial et notre notoriété auprès des distributeurs se sont un peu ralentis dans la mesure où beaucoup d’événements ont été annulés. L’année 2020 va s’achever et constituera un peu un exercice de transition par rapport à nos ambitions en termes de communication et de croissance. Nous devrions atteindre une collecte de 140 millions de euros. Notre objectif est de l’augmenter de 50 % l’an prochain, notamment en accélérant sur le Luxembourg. Dans le même temps, nous avons plusieurs chantiers en cours, principalement celui de la digitalisation. Nous avons l’intention de construire des interfaces efficaces à l’image de celle dont nous disposons en assurance-emprunteur et qui est reconnue sur le marché. Notre volonté est de maîtriser l’ensemble de la chaîne en élaborant des outils maison dans le champ de l’épargne où nous sommes présents depuis 1923, avec des process assez traditionnels. Mais nous sommes en train de rattraper notre retard dans ce domaine et nous avons à coeur de proposer des outils originaux.
Quelle est, selon vous, votre différenciation par rapport aux autres acteurs du marché ?O. S. Nous sommes une compagnie solide qui a presque cent ans d’existence. Notre back-office est performant et j’invite les CGP à le tester. Mais surtout, nous voulons leur montrer que notre mode de fonctionnement de société familiale nous amène à être un acteur sur lequel ils peuvent compter, en particulier lorsqu’ils ont besoin d’aller vite pour être efficaces. Cela est dû à notre longue expérience du marché du courtage de proximité.
❚ Propos recueillis par Jean-Charles Naimi